Folie Douce par Lauren Bastide

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Par Lauren Bastide
2 mai · 6 mn à lire
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#7 “La contention est traumatique”, Mathieu Bellahsen, psychiatre et militant

Cette semaine, je vous invite à ne rien faire pour aller mieux, j'échange avec le psychiatre Mathieu Bellahsen à propos de son manifeste édifiant : "Abolir la contention" et je vous recommande un podcast, un article, une vidéo, un film ET un livre tellement je vous aime.

Un conseil d’amie*…

Faites le vide. Pas dans vos placards - quoique ça peut aider - mais dans vos agendas. Hier, sur Instagram, j’ai vu le post d’une copine qui disait qu’elle prenait une semaine de congés. Puis elle ajoutait : je vais pouvoir aller voir deux concerts, visiter ce musée, lire ma pile à lire, faire du sport, voir ma famille, réfléchir au sens de la vie et préparer mes prochaines échéances professionnelles. Là j’ai ri tout haut, parce que je me suis reconnue. Je suis cette personne. La reine des to-do listes et des planifications. Puis des autoflagellations puisque je ne parviens jamais à aller au bout de ma liste. Et se trouver nulle et inefficace, c’est très mauvais pour la santé mentale. Alors j’ai pris des mesures. J’ai appris, ces dernières années, à prendre rendez-vous avec le vide. Je marque dans mon agenda des moments de RIEN. Ni travail, ni tâche ménagère, ni sociabilité, ni culture. Rien. Ce qui est un pied-de-nez à la fois à mon hyperactivité et à notre société productiviste de l’ultraperformance*. J’ai commencé par des demi-journées, ici et là. J’ai maintenant - privilège du travail en freelance - de pleines semaines de RIEN planifiées plusieurs mois à l’avance. Mais ça peut être une soirée laissée vacante, un week-end sans engagement. Ces aérations ont un bénéfice immédiat sur mon psychisme. Évidemment, je ne fais jamais littéralement RIEN. Je fais ce qui m’est nécessaire au moment t. Cela peut être appeler une amie ou une petite sieste. J’obtiens une réponse immédiate à un besoin réel, en prenant zéro risque d’autoflagellation. Par exemple, en ce 1er mai, j’avais mis RIEN dans mon agenda. Mes enfants ont été embarqués - ô joie - par d’autres adultes dans diverses activités. Je me fait un thé, allongée sur mon lit et j’ai enclenché la série Mon Petit Renne qu’on m’a chaudement recommandé il y a quelques jours. Au bout de 15 minutes, j’ai mis pause, saisi mon ordinateur, et écrit ce texte pour la newsletter parce que comme ça c’est fait. Voilà. On se refait pas. Mais j’essaie. Essayez aussi et dites-moi ce que ça donne.

Allez, prenez soin de vous, et prenez votre temps.

Lauren

* À ce sujet je vous recommande le succulent dernier livre de Lydie Salvayre Depuis toujours nous aimons les dimanches.

*dans cette rubrique, je propose un conseil pratique qui peut vous aider à prendre soin de votre santé mentale. Je parle depuis mon point de vue de femme cisgenre blanche avec un TDAH (trouble de l’attention avec hyperactivité) et des troubles dépressifs liés au stress post-traumatique, suivie depuis deux ans en thérapie comportementale et cognitive. Mes conseils sont à prendre comme ceux d’une amie concernée. Si vous traversez une période difficile, le mieux est de vous orienter vers un professionnel de la santé mentale. En cas d’inquiétude pour vous ou l’un·e de vous proche, vous pouvez appeler le numéro national du prévention du suicide, le 3114, des personnes formées vous écouteront.

ENTRETIEN

“L’imaginaire de l’entrave, nous le vivons toutes et tous dans le champ social”, avec l’auteur et psychiatre Mathieu Bellahsen

Mathieu Bellahsen, psychiatre, fait dans Abolir la Contention (Libertalia) l’état des lieux implacable de la pratique, largement répandue dans les unités psychiatriques françaises, de la contention mécanique. On parle bien du fait d’attacher les patient·es à leur lit avec des sangles, pour une durée plus ou moins longue, et généralement en les isolant. Une mesure traumatisante, déshumanisante, qui suscite angoisse, peur, révolte chez la personne qu’elle est supposée « calmer » - et peut même entraîner la mort. L’entrave, contrairement à ce qu’on pourrait croire, connait un essor en France ces vingt dernières années, aussi bien dans la psychiatrie que dans d’autres milieux de « soin ». Dans ce livre, Mathieu Bellhasen n’hésite pas à parler d’une « culture de l’entrave » qui va au delà des sangles et des services psychiatriques. Entretien.

Crédit photo : Sébastien Calvet / MediapartCrédit photo : Sébastien Calvet / Mediapart

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